Lucia Radochonska et Jean-Louis Vanesch, photographes
La galerie de Wégimont poursuit son tour d’horizon de la photographie contemporaine en Communauté française de Belgique en invitant cette fois Lucia Radochonska et Jean-Louis Vanesch. Ils ont acquis leur formation de photographe à l’Institut Saint-Luc à Liège, et leurs travaux ont été exposés et publiés à maintes reprises depuis le début des années 1970. Ils vivent ensemble depuis 1974, mais à la différence d’autres couples de photographes, comme les Becher et les Leisgen, ils élaborent chacun une œuvre personnelle. Leurs trajectoires pourtant présentent de nombreux points de rencontre, on ne s’en étonnera pas… La présente exposition n’a pas l’ambition d’être une rétrospective, elle porte sur des travaux récents des deux artistes.
Jean-Louis Vanesch est né à Liège en 1950. Après avoir réalisé de petites images nettes et précises représentant le paysage de la banlieue ou de la campagne, parfois accompagnées de brefs textes manuscrits, Vanesch s’est orienté, avec la série Arbos, dès 1986, vers des compositions quasi abstraites, troncs noirs et massifs, fines griffures des branches sur des fonds gris clair, dont les arbres ne sont que le point de départ. La série Reposoirs, à partir de 1991, marque un retour vers la figuration – non le réalisme documentaire – puisqu’elle montre des lieux (chemins, lisières de forêts, fragments de bâtiments…) et parfois quelques personnages, mais le photographe y expérimente plus radicalement encore l’usage de larges plages d’un noir profond et velouté. Ce traitement du matériau photographique est d’ailleurs une constante de son travail : les contrastes élevés ne conduisent jamais à la sécheresse ni à la dureté. On retrouve cette pénombre soyeuse dans la dernière série, réalisée lors d’une résidence d’artiste à Roche dans les Ardennes françaises, là où Rimbaud aurait écrit le Bateau ivre.
Lucia Radochonska est née à Bolestraszyce (Pologne) en 1948. Elle vit en Belgique depuis 1958. Dès les années 1970 elle se fait connaître par des photographies d’enfants, qu’elle met en scène sans aucune mièvrerie, bien au contraire : les petits modèles semblent regarder la photographe depuis un autre monde où le jeu et les déguisements seraient une affaire importante et profondément poétique. Le thème de l’enfance reviendra plus tard, avec la série A travers Carole, moins onirique puisque la photographe y représente sa propre fille. Progressivement Lucia Radochonska intègre à ses images le ciel, la terre, l’eau, les végétaux, les animaux, comme si chaque nouvelle image nouait une relation plus intense et plus intime avec les éléments du cosmos. Au cours de ces dernières années, la photographe s’attache de plus en plus passionnément au spectacle du jardin, et de la prairie d’à côté (c’est le titre d’une image), vus à travers une fenêtre de sa maison. Cette manière de regarder le monde depuis un point fixe, cette attention extrême portée au quotidien, ne sont pas sans rappeler l’art de Maurice Pirenne. Les brumes lumineuses, la neige, le miroitement des choses après la pluie, les jeux des chats, le passage des pies, les fruits sur les arbres du verger, une fois photographiés, deviennent des événements dont la photographe nous donne la chronique émerveillée.
Jean-Michel Sarlet
Wégimont Culture, n°199, novembre 2004, pp.2-5.