Balade en paysage «Natuur, nature», matière de création ou d’inspiration, avec l’art pour seul médiateur.
Et si la nature fédérait le pays ? De Markten invite une dizaine de plasticiens de toute obédience. Le sculpteur tournaisien Emile Desmedt côtoie la Brugeoise Saskia Weyts. Les bronzes de Klaar Cornelis se mêlent aux signes calligraphiques de Kikie Crêvecoeur. Un bonheur. Sous le label « Cf. (Natuur, nature) », seule la forme autonome expérimentée dans le cube blanc de la galerie entretient ses divers niveaux de résonance.
« C’est la nature qui est le prétexte de cette exposition, revendique De Markten. Celui-ci l’utilise comme matière de création même, tandis que chez celui-là, nous pouvons constater une tentative de représentation. » Dans cette promenade en vase clos, des murs se dissolvent, des tensions se libèrent pour laisser entrevoir des coins de ciel, des branchages, la couleur de l’ardoise, l’expérience contemplative, l’émotion. La balade livre une succession de points de vue, des apparitions successives, comme autant de marqueurs de nos espaces réels et imaginaires.
Très peu d’installations entrent en lice
La nature, dans sa matérialité, nous interpelle dès la cour intérieure du centre culturel. Klaar Cornelis dresse des troncs pétrifiés en pierre bleue irlandaise comme des totems d’art brut urbain. On retrouve le jeune plasticien, qui vit et travaille
à Gand, dans une grande salle qui accueille aussi les travaux graphiques de Kikie Crèvecœur. Face aux traces mémoriales
en bronze, elle déploie l’épure de ses promenades en forêt, Trognes, Traceet, Bribes et échappées. On ressent la même quête de densité dans le signe.
Sous les ciseaux de Florence Fréson, l’ardoise, la pierre bleue, le calcaire de Vinalmont racontent des histoires de taille.
Le strict nécessaire optimise la tension. Des paysages, des scansions surgissent sobrement de la pierre. Comme des souffles qui pourraient faire vaciller les photos noir et blanc de Jean-Louis Vanesch ou Lucia Radochonska. « Mon plus grand plaisir, à la prise de vue, est d’apprivoiser les choses, déclare la photographe polonaise qui a fait ses études à Saint-Luc, à Liège. D’entrer dans leur intimité, que ce soit une poule, un cheval, un fruit ou une goutte d’eau. Puis entre en jeu l’expérience. » Très simplement, elle fait germer des émotions universelles, alors que Jean-Louis Vanesch explore par la photo son peu extraordinaire jardin du Pays de Herve. Ses beaux contrastes argentins aiguisent le regard, et nous découvrons un petit univers qui contient le monde et les choses.
Les fusains sur papier de Petrus De Man orchestrent la montée irrépressible de la nature. Inscriptions à la pointe sèche,
les silhouettes dressent des troncs aux membres atrophiés, comme autant de cris de solitude.
Très peu d’installations entrent en lice. Yvonne Knevels suspend une énorme structure en rotin entre les piliers qui rappellent l’origine industrielle du lieu. Conçue pour cet espace, la nasse légère mais prégnante contraste avec l’œuvre sculptée d’Emile Desmedt. Des bogues y deviennent des bombes. Ses cotes de maille cannelées enferment le vide comme d’énormes cocons organiques. Le fragile et le massif se conjuguent dans un art primitiviste, d’acier et d’or.
Oui, David Delesalle peint des légumes, formes végétales, racines tubéreuses, en autant de xylogravures où la taille, l’incision, la découpe, l’arrachage résument les gestes qui lacèrent et nourrissent la nature. Chou géant ou pomme de terre, l’action intarissable qu’il mène sur le végétal assimile son panorama remanié de la nature morte contemporaine au courant
de la peinture concrète. Comme un éternel retour.
Cf. (natuur, nature) De Markten, 5 Vieux Marché aux Grains, 1000 Bruxelles, jusqu’au 23 décembre. Tél. 02-512.34.25, www.demarkten.be. Entrée gratuite. Catalogue : 3 euros.
LEGRAND,DOMINIQUE
"Le Soir", mercredi 5 décembre 2007